Younes Diouri
l'architecture en partage
Nom: Younes Diouri
Occupation: Architecte
Localisation: Paris
Younes Duret était le premier à parler d'aMush, portail d’architecture marocain communautaire et participatif, à travers son propre blog Design Maroc. Six ans plus tard, l’initiative de Younes Diouri s’impose comme un média de référence dans le milieu. A la fois, site d’information, blog d’inspiration, et réseau social, il suffit d'y jeter un oeil pour se rendre compte que ce projet au nom mystérieux est à la hauteur de ses ambitions. Rencontre avec Younes Diouri, jeune architecte et co-fondateur de aMush.
Tout d’abord, qu’est-ce qu'aMush ? Peux-tu nous expliquer le nom, le projet, la plateforme ? à quel public s’adresse-t-il ? Quelles sont les questions qu’un tel projet soulève ? Et quelles sont les réponses qu’il tente d’apporter ?
aMush est un media hybride qui utilise principalement l’outil internet pour mener une réflexion à contre-courant des états d’esprits actuels dans le domaine de la conception au Maroc autour d’un magazine en ligne. aMush est basée sur l’observation de ce qui peut se faire en architecture au Maroc et ailleurs. Ce média s’adresse bien évidemment aux architectes, mais aussi aux designers, paysagistes, urbanistes et artistes portés par cet élan d’éveil autour de la conception contemporaine. Le magazine en ligne est venu d’un constat mesuré sur les différents manques en information sur la production globale en architecture au Maroc. Nous aimerions aujourd’hui que ce support soit aussi une source d’inspiration en phase avec son temps.
Le Maroc d’aujourd’hui est en ébullition, plus rapide, plus vivace. aMush veut le communiquer tel qu’il est et mettre en exergue ce vers quoi il aspire. Le message c’est aussi voir ailleurs, observer les autres, comprendre leur réflexion, leurs engagements et leurs méthodes.
Le magazine en ligne a été lancé il y a maintenant 6 ans au moment de l’explosion des réseaux sociaux. Cette effervescence du net a porté le message de aMush. aMush signifie « a » : pour « architecture » et «mush» pour musharaka (participation en arabe) car il s’agit véritablement d’une plateforme d’échange où l’information est véhiculée par ses membres eux mêmes en participant aux publications, aux échanges sur les différents sujets sur le forum, et au partage de leurs propres travaux.
Quelle ambition pour la dimension communautaire du site ? Est-ce que c’est aussi une sorte de réseau social d’architectes et de passionnés d’architecture/urbanisme au Maroc ?
La génèse même du projet aMush est le fruit d’une rencontre communautaire fortuite créée par la force des réseaux sociaux. Elle est partie d’échanges de mails, de partages d’idéaux encouragé par un Maroc en plein changement. Puis ce fut une rencontre avec une dizaine d’architectes qui ont décidé ensemble de matérialiser leur vision autour d’un média. Aujourd’hui la communauté grandit et ses membres continuent de faire vivre le magazine en l’alimentant de leur générosité et leur envie viscérale de partager leur vision du monde : Achraf Sehnouni avec qui je développe la trajectoire du projet aMush, ainsi qu’une riche équipe rédactionnelle composée d’architectes passionnés qui s’agrandit (Driss Benabdallah, Sophia Zahi, Sakina Douiri, Mehdi Besri, Dalal Largab, Amine Afassi, Nabil Afkiri, Nawfal Bakhat, Hala Laaroussi, etc.)
La dimension communautaire a permis de réunir dans un même champ des architectes et concepteurs qui partagent cette vision de renouveau du paysage architectural marocain. Elle a permis de créer des rencontres, croiser des disciplines, explorer de nouvelles directions mais aussi et surtout de susciter un élan commun de recherche de qualité dans le domaine de la conception. aMush aujourd’hui est devenu une plateforme incontournable grâce à sa communauté et apporte une opportunité réelle de visibilité pour les jeunes talents de demain en publiant leurs travaux et exprimant leurs visions.
Nous allons plus loin et nous imaginons une sorte d’agence d’architecture 2.0 qui soit construite autour de la communauté aMush, et qui aurait des projets connectés, multidimensionnels, réfléchis à plusieurs, et co-signés par des membres de la communauté. Est-ce que c’est quelque chose que tu avais en tête lors de la création du site, est-ce que c’est réaliste, réalisable ?
La première étape d’aMush était et restera de véhiculer un message fort pour bousculer les modes de conception et susciter l’éveil. Toujours dans cet esprit de promotion de l’architecture, aMush souhaite aujourd’hui entrer dans une phase plus concrète, sur le terrain. Nous avons pour ambition de matérialiser cet élan par des projets communautaires engagés et autofinancés à travers workshops et concours, pour être force de proposition, en partenariat avec des institutions prêtent à franchir le pas d’une nouvelle forme de conception participative.
aMush s’est d’ailleurs engagé récemment avec l’association SMIB for Smiles de l’ESSEC pour l’aménagement de deux bibliothèques en Inde, au profit de jeunes élèves et pour proposer à sa communauté de réaliser les plans de ce petit projet.
Le champ est vaste. De l’habitat éphémère pour acceuillir les visiteurs du Festival Gnaoua à Essaouira à des plans OpenSources pour l’autoconstruction encouragée par une commune avant-gardiste souhaitant expérimenter une forme alternative au logement social. Evidemment tout est possible.
Quelles perspectives d’avenir pour l’architecture/l’urbanisme au Maroc ? Quels sont les projets en cours ou à venir (firmes marocaines, ou internationales) qui te tiennent à cœur, qui te passionnent, auxquels tu aimerais/aurais aimé participer ?
L’architecture au Maroc est très jeune. Le métier tel que nous le concevons aujourd’hui a été règlementé il y a seulement quelques 60 ans. On ne dénombre pas plus de 3400 architectes inscrits au tableau sur l’ensemble du territoire Marocain. C’est exactement le nombre d’architectes inscrits à l’ordre dans l’arrondissement de Paris dans lequel je travaille aujourd’hui. C’est dire !
Le Maroc est un chantier à ciel ouvert et vit actuellement un développement urbain conséquent où l’ensemble des acteurs de la ville se retrouvent confrontés à de nouvelles problématiques urbaines souvent sans réels outils développés pour y faire face. Les opportunités et potentiels sont bien réels mais une bataille de fond contre des méthodes souvent désuètes et ancrées est à mener. Le Maroc va vite, trop vite, parfois pas assez. C’est à ce contexte empli de paradoxes et de promesses que beaucoup de jeunes architectes marocains, dont je fais partie, ont envie de se confronter sans concession, avec passion, parfois à contre-courant, quitte à y laisser des plumes.
Quels sont, de ton côté, tes prochains travaux, projets, que ce soit au sein d’aMush, ou autre ? Le site est-il une prémisse à un travail plus personnel, plus concret, une véritable réalisation physique sur le territoire marocain ?
Pour ma part, en marge du projet aMush, et en tant qu’architecte, j’ai pour envie de voir émerger une nouvelle forme d’agence profondément ancrée dans la multidisciplinarité. Se donner les moyens de développer des champs de recherche et d’expérimentation des méthodes nouvelles de conception car c’est dans le croisement des savoirs que naissent les innovations de demain.