Bachar Mar-Khalifé : la release de son 4ème album est un triomphe !
On a d'abord connu Bachar l'homme orchestre, avec ses claviers, ses loops et ses percussions, puis on l'a produit en solo piano-voix à Casa, mais on l'avait raté en trio pendant la tournée de "Ya Balad". On le retrouve alors à Paris, là où on l'avait rencontré 5 ans plus tôt, à l'occasion de la sortie de son 4ème album, "The Water Wheel", en hommage au nubien Hamza El-Din.
Bachar, puissant ? Ça on savait. Mais accompagné d'un bassiste, d'un joueur de saz et d'un batteur virtuose, c'est une toute autre dimension. La salle est comble, le concert s'est vendu à guichet fermé, et même lui a l'air de ne pas en revenir, toujours muni de cette humilité presque naïve, de ce détachement à la mesure de sa passion. Bachar a le don de mettre ses tripes dans une chanson, mais toujours avec la désinvolture de ceux qui ont du vécu.
L'introduction est longue et chez lui la réserve, annonciatrice, dialogue toujours avec l'urgence. On découvre le nouvel album, on reconnait "Greetings", et puis... طَأ طأطَأ طَأطَأتِينِي, les premières notes de "Ya Nas" retentissent. La foule est en feu. Excusez le délit de faciès mais les Arabes dans le public semblent plus discrets que les autres qui débordent d’enthousiasme. C'est troublant, presque bouleversant de voir ces sonorités célébrées ici, à La Maroquinerie à Paris, quand on connaît le désastre chez “nous”, la misère culturelle, creusée par l'exil, forcé ou voulu, de tant d'artistes.
Coincé entre son piano et son synthé, Bachar imite le ney, et le batteur le son de la derbouka. Le morceau se finit en apothéose; le public en redemande. Ce public qui ne connaît ni d'âge ni d'origine. Cette énergie nous émeut. Aux larmes. Alors bien sûr, la foule en délire au premier riff de synthé, c'est un peu agaçant. Bien sûr il y a une forme d'orientalisme, de hype, bien sûr. Mais le public apprécie la musique avec sa sensibilité et les clés qui lui sont données, et c'est sincère.
Puis on choisit de sortir de cette extra lucidité pour revenir dans la danse, dans la transe. Quand Bachar nous disait qu'il n'aimait pas les étiquettes et ne voulait pas s'enfermer dans un genre, maintenant on comprend vraiment : il passe du rock au dub, à des airs de dabké, allant jusqu'à l'électro et parfois même des sonorités presque latinos.
Alors qu'on croit que la magie est finie, pour le rappel c'est une sacrée surprise. Il appelle la chanteuse Fishbach, qui sort de la foule, l'air de rien, et l'accompagne sur une chanson qu'ils ont écrite ensemble pour son nouvel album. C'est une chanson d'amour triste; elle a les yeux humides. Elle est gracieuse, assise au pied du piano. Elle sourit, nous aussi.
Le concert s'achève sur un deuxième rappel et Bachar nous sert un "Lemon" endiablé. On n'aura jamais vu un tel triomphe !