"Enfance au Maroc", le nouveau livre de Hicham Houdaïfa sur la précarité infantile
Abandon scolaire, mariage précoce, exploitation économique, absence d’état civil, violences sexuelles…, au Maroc la précarité frappe durement les enfants. À travers deux reportage dans les quartiers difficiles de Casablanca et sept enquêtes à travers le pays, Hicham Houdaifa tire la sonnette d’alarme sur l’absence de véritable politique étatique de protection de l’enfance, et rend hommage au travail de la société civile.
Nous avons posé quelques questions à Hicham pour en savoir plus sur sa rencontre avec ce sujet, et son analyse de la situation. Découvrez ses réponses en dessous.
- Comment t'est venue l'idée de ce livre ?
L’idée d’un livre sur les enfants m’est venu lors du travail de terrain pour le compte du premier ouvrage sur la précarité au féminin, (Dos de femme, dos de mulet : les oubliées du Maroc profond, En Toutes Lettres, 2015). Le sort des femmes et des enfants est intimement lié surtout quand les pères sont peu ou pas présents. Cela a pris du temps du fait que j’avais entretemps travaillé sur la thématique de l’extrémisme religieux.
- Comment as-tu démarré ton travail de recherches ?
Il y avait des thématiques qui s’imposaient : éducation, accès à la santé, travail précoce, exploitation sexuelle, kafala, enfants en situation de handicap… Après un travail de repérage et d’identification de personnes ressources et d’associations œuvrant dans le secteur, j’ai démarré le travail de terrain. Il faut souligner d’ailleurs que sans l’aide précieuse des acteurs de la société civile, ce livre n’aurait pas pu voir le jour.
“Plusieurs citoyens commencent donc leur vie avec un handicap de départ. La question de l’enfance et de sa protection devrait être érigé en urgence nationale.”
- En quoi la question de l'enfance est-elle un enjeu contemporain ?
L’enfance représente selon le dernier recensement du Haut Commissariat au Plan plus du tiers de la population marocaine et elle ne bénéficie pas d’une prise en charge de qualité, ni de protection suffisante. Dans plusieurs régions du pays, notamment dans les ceintures de la pauvreté des grandes villes, elle subit plusieurs formes de privations et de violences. Plusieurs citoyens commencent donc leur vie avec un handicap de départ. La question de l’enfance et de sa protection devrait être érigée en urgence nationale.
- L'actualité au Maroc a récemment montré que les enfants sont encore trop exposés aux violences et rien ne semble être fait pour les protéger. Penses-tu qu'il y ait une véritable politique de l'enfance au Maroc ?
Il y a des actions pour les enfants qui sont menées par plusieurs acteurs gouvernementaux (ministère de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du développement social, la Jeunesse et Sports, l’Education, la Justice, la Santé, l’Intérieur, l’Emploi) en plus de l’Entraide nationale et des acteurs associatifs. Mais, il y a un manque flagrant de coordination entre ces différents acteurs et les moyens humains et matériels alloués à cette mission sont insuffisants.
- Tu rends hommage au travail de la société civile tout en restant lucide sur la limite de son action. À ton avis, que faudrait-il faire pour avoir un vrai impact sur le destin de nos enfants aujourd'hui ?
D’abord, il faut écouter cette société civile. Au cours du travail de terrain, j’ai rencontré de jeunes femmes et hommes, œuvrant dans ce secteur et qui ont cumulé une grande expertise. Ces associations ont développé des bonnes pratiques que l’Etat ferait bien de les appliquer à plus grande échelle. Il faut aussi mettre en œuvre la disposition la plus importante de la politique publique intégrée pour la protection de l’enfance au Maroc (PPIPEM) qui est le Dispositif territorial intégré de protection de l’enfance au Maroc. Il faut valoriser des métiers qui sont très importants pour la protection de l’enfance, à commencer par les assistants sociaux et autres éducateurs. Il faut également assurer à tous les enfants de ce pays, au moins, un enseignement public de qualité, un accès à un service de santé et une véritable prise en charge. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.