Jazzablanca fête ses 10 ans : l'heure du bilan
Après la Biennale de Marrakech et le festival de danse contemporaine On Marche, c'est au tour du festival de musique Jazzablancade fêter ses 10 ans ! Une bonne nouvelle pour notre industrie culturelle encore balbutiante que de voir se pérenniser des manifestations de cette envergure, au rayonnement souvent international et à l'ancrage local certain. 10 ans, l'occasion de faire le bilan et d'adresser des messages aux différents acteurs en rappelant que Jazzablanca est le dernier festival de musique - en partie payant - de la capitale économique à avoir survécu. Et les indicateurs semblent plutôt encourageant selon Moulay Ahmed Alami, promoteur du festival, qui assure que le modèle tend à s'équilibrer depuis 3 ans, une évolution qui laisse entrevoir des perspectives de rentabilité, très importantes pour le marché. "Si on devient rentables, ça rassurera les promoteurs et les encouragera à mener des initiatives dans le même sens, pour in fine créer un vrai marché de la musique au Maroc", précise-t-il. Une logique à contre-courant, là où en Europe et ailleurs, les artistes émergent puis sont suivis par les promoteurs, mais nécessaire pour faire de l'industrie musicale "un vrai business, créateur d'emploi et générateur de revenus pour les musiciens" qui peinent encore à se produire sur les rares scènes de la ville.
Pour cette 10ème édition, en dehors des têtes d'affiches (Charlie Winston, Keziah Jones, TonyAllen, ...) qui apportent un rayonnement international au festival et le hissent chaque année un peu plus au rang des grands rendez-vous de jazz, la programmation se veut toujours plus éclectique et tournée vers les jeunes talents et le public, avec entre autres la scène ouverte Place des Nations Unies. Dans le registre pop et soul, on retrouvera notamment Malca, gros coup de coeur parmi nos Ness Lioum, ou encore SandraAmarie diva canadienne installée au Maroc depuis quelques mois pour son projet #electrofuturesoul. Du côté du jazz fusion, Othman Kheloufi présentera son jazz beldi, Charles Pasi fera groover le Jazz Club, et Rachid Guerrab nous embarquera enfin dans un périple de Kabul à Chicago, en reprenant les musiques du Gange à Varanasi, les mélodies des divas égyptiennes au Caire, le jazz fusion à Casablanca, moderne coltranien à New-York, pour finir sur un accord de blues propre à la Windy City.
Autre grande nouveauté cette année, la première masterclass gratuite du festival qui sera donnée par le grand Anouar Brahem, les dimanche 19 et lundi 20 avril au Studio Hiba. L'occasion pour artistes et amateurs de faire une rencontre exceptionnelle avec l'un des plus grands joueurs de oûd au monde, et pionnier dans la fusion du jazz avec les musiques traditionnelles arabes qui a fait de cet instrument classique un vecteur de modernité dans la musique contemporaine. Car si le jazz n'est pas forcément inscrit dans l'ADN culturel du Maroc, il fédère un peu plus d'aficionados chaque année autour de rencontres musicales à l'énergie follement contagieuse. Et comme le disait Boris Vian, "si votre éducation musicale a été négligée, nul besoin de choisir une voie aride pour la refaire : l'évolution rapide du jazz vous mènera insensiblement de la musique la plus fraîche et la plus naturelle des parades et des orchestres de marches aux recherches les plus raffinées des arrangeurs actuels ; et le monde de la mélodie, de l'harmonie et du rythme vous sera définitivement ouvert."