On Marche, 10ème édition : bilan et ambitions
La danse contemporaine est une discipline qui peut sembler hermétique de prime abord, on se retrouve souvent intrigués par cette nouvelle esthétique donnée au mouvement, à rebours de toutes les harmonies qu'on lui connaissait avec la danse classique. Mais la danse contemporaine c'est la victoire de la spontanéité sur la technique, de la sincérité du geste sur sa préméditation, et de la fantaisie sur la régularité. On y réinvente le rapport à la scène, à la représentation et aux spectateurs, on y ose d'autres histoires, d'autres concordances et d'autres justesses.
Pour la 10 ème édition du Festival International de Danse Contemporaine On Marche, Lioumness a fait le déplacement pour aller à la rencontre de cet art majeur au retentissement national toujours mineur.
Cette année le festival a été pensé comme une plateforme de rencontre, entre artistes et public, et a aussi bien présenté des artistes confirmés que donné leur chance aux nouveaux talents.
« Leurs langages transcendent les histoires conventionnelles, se chargent du présent, de sa complexité pour créer du rêve, de la poésie et un espace libérateur. »
- Nedjma Hadj Benchelabi, programmatrice invitée
Energie et résistance
Un festival de danse contemporaine au Maroc en 2015 né d'abord de l'urgence de transmettre, de donner à la danse une place et de lui rendre ses lettres de noblesses tout en restant populaire. Décomplexer le rapport au corps, dévoiler les femmes et reconnaître leur place dans la création. C’est d’ailleurs tout le propos de la performance "Zoufri" de Rochdi Belgacem, qui met en avant le rboukh, une danse d’ouvriers tunisiens presque vulgaire et mal vue par la bourgeoisie tunisienne. Rochdi nous raconte l’histoire de cette danse et y applique, avec grâce, des outils de la danse contemporaine, pour la sortir de son folklore. La démonstration technique devient une invitation à la danse, Place des épices, où touristes, danseurs et curieux se mêlent à la danse avec allégresse, dans une véritable valse de "zwafris".
La compagnie Anania, « égoïste » en arabe, de Taoufiq Izeddiou, est la première compagnie de danse contemporaine au Maroc. Créée en 2003, elle livre à travers Rév’illusion, une performance qui porte à la fois l'espoir des printemps arabes et la désillusion qui les a suivi. Le chant incantatoire de Taoufiq est une quête identitaire, un questionnement sur la place de l’individu face à la masse, et mêle mouvements forts et intenses, à la fois protestataires et poétiques.
Notre coup de foudre du festival revient à Du-all, délivrée par la compagnie brestoise Moral Soul qui raconte une rencontre amoureuse. Les amants, Herwann Asseh et Suzie Babin se cherchent et se trouvent dans une chorégraphie furieusement sensuelle qui ne manque pas d’interpeler les passants.
La danse reste le parent pauvre de la création artistique au Maroc. On Marche est un des rares évènements pérennes dans la région, aussi bien en Afrique du Nord qu'au Moyen Orient en matière d’art de la scène, il donne à voir une création contemporaine dont le défi annuel reste celui d'exister et de continuer à grandir de manière indépendante, par choix, mais aussi à cause d'une réalité difficile, comme l'explique Nedjma Hadj Benchelabi.