Raisonne #2 // Ilona Dip rend hommage à Maria Szymanowska
En Juin dernier, nous vous présentions “Raisonne”, le projet porté par la pianiste Ilona Dip qui met en avant les oeuvres de compositrices femmes pour les sauver de l’oubli. Sur cette 2ème capsule, place à Maria Szymanowska, une compositrice et pianiste virtuose polonaise, née en 1789 à Varsovie.
“Maria Szymanowska est une compositrice polonaise, de vingt et un an l’ainée de Chopin. Je me suis alors rendu compte qu’il y avait une erreur historique à rétablir, c’est Chopin qui nous rappelle le style de Szymanowska, et non pas l’inverse.”
Nous avons posé quelques questions à Ilona pour en savoir plus sur ce deuxième épisode, les contraintes que suppose un tel projet et sur la suite de “Raisonne”, découvrez ses réponses ici :
Parle nous de ce 2ème portrait, comment es-tu tombée sur l’œuvre de Maria Szymanowska ?
Depuis près de deux ans, j’oriente mon travail de pianiste vers les femmes. J’ai donc acheté des recueils de partitions de compositrices, afin d’en découvrir un maximum possible. Je m’amuse à les déchiffrer (c’est mon “pain quotidien” comme dirait Bach), et lorsqu’une pièce me plait, je creuse. C’est ce qu’il s’est passé avec Maria, je suis tombée sur son Nocturne, qui m’a donné une impression de déjà-vu. J’avais le sentiment qu’il s’agissait d’une œuvre de Chopin. Or, Maria Szymanowska est une compositrice polonaise, de vingt et un an l’ainée de Chopin.
Je me suis alors rendu compte qu’il y avait une erreur historique à rétablir, c’est Chopin qui nous rappelle le style de Szymanowska, et non pas l’inverse.
Est-ce que tu continues à t‘intéresser à des femmes compositrices contemporaines ? Peux-tu en citer quelques-unes ? Quelle est celle dont le travail te touche le plus ?
Bien sûr, je m’y intéresse autant en tant que pianiste (je prends moi-même plaisir à découvrir de nouvelles œuvres), qu’en tant qu’enseignante. Il est très important pour moi de transmettre ces informations, de rétablir l’injustice, et d’apprendre aux élèves qu’il existe aussi bien des compositeurs que des compositrices (sans non plus rentrer dans une obsession, je précise que mes élèves jouent aussi bien des œuvres d’hommes que de femmes). Les plus connues aujourd’hui sont Clara Schumann, Cécile Chaminade, Fanny Mendelssohn…Difficile d’en choisir une, à mes yeux elles sont toutes touchantes, chacune à leur manière, à travers leurs compositions, leurs histoires et la volonté dont elles ont fait preuve.
Mais je vous invite à vous aventurer un peu plus loin, du côté de l’Italie avec Francesca d’Adda, ou à Cuba avec Cecilia Arizti, ou encore aux Etats Unis avec Amy Beach. Vous pouvez aussi suivre le projet RAISONNE, on tient des pépites !
Que suppose la production de ces vidéos ? Financièrement et de façon pratique ?
C’est effectivement une question qu’il est importante de soulever.
Derrière les paillettes, il y a beaucoup de travail, d’implication, de temps, et d’argent. Une vidéo c’est environ six mois de travail (sachant que toute l’équipe travaille à temps plein, et que RAISONNE représente pour nous tous une activité supplémentaire).
À partir du moment où je trouve la compositrice, un long travail de recherche démarre. Les partitions de ces femmes ne sont pas toujours éditées, c’est une chasse au trésor virtuelle pour mettre la main dessus. De même pour obtenir des éléments biographiques. Il faut ensuite trouver le lieu qui collerait avec l’histoire qu’on souhaite raconter, tourner le clip, enregistrer le son, monter le projet… Et tout ça avec des fonds propres.
J’ai la chance d’avoir une équipe de gens passionnés qui s’investissent bénévolement dans le projet et me suivent (merci Zineb Andress Arraqui, Balkiss Guetta, Hisham Cheikh, Hassan Ouazzani, Amir Salih). Cependant, afin de pouvoir continuer à mener à bien ce projet, le faire grandir, voyager, nous sommes à la recherche de financements et de partenariats.
Quel impact espères-tu créer à travers ce projet ?
Je souhaite apporter une vision moins étriquée de la musique classique, montrer qu’on connait qu’une infime partie de l’histoire réelle, et qu’on a tous encore beaucoup à apprendre. J’aimerais que les filles (pas seulement dans le domaine musical) puissent développer des modèles féminins, savoir qu’elles aussi elles ont le droit et la capacité de devenir ce qu’elles souhaitent être. Être représentées, tout simplement.
Que peut-on te souhaiter pour la suite ?
De continuer à se battre pour la culture, la musique et les femmes ! D’apporter quelque chose aux gens qui nous écoutent, et de trouver du soutien auprès d’acteurs, organisations qui partagent notre vision.
Instagram : @ilonadip / @ecoledemusiqueilona